Joseph Jacques Telor : un nom, une histoire et un combat

 


Joseph  Jacques Telor : un nom, une histoire et un combat 

Depuis un certain temps, j’ai pris l’habitude d’écouter les prédications de l’évangéliste Telor. Du coup, je commence à avoir une grande admiration pour ce grand homme. Il avait une énergie, une onction, un charisme et une conviction. On dirait qu’il était unique en son genre. J’aime trois choses quand il prêche : il nous interpelle à être de véritable chrétien, il est plaisant et il dénonce les mafias de l’église. Alors, on peut se demander sur quoi se portaient ces dénonciations ? Pourquoi les pasteurs ne parlent pas de lui après sa mort ? Pourquoi n’écrivent-ils pas sur ces prédications afin de permettre aux fidèles du monde entier d’avoir une meilleure connaissance de lui ? Alors, faisons une mise au point autour de sa vie et de son combat.

Joseph Jacques Telor est né à la ville des Gonaïves le 4 août 1951 à la 6e section communale Lapierre. Il n’a pas connu une enfance facile. Son père lui a abandonné dès son enfance. C’est sa mère qui a pris toute seule la responsabilité de l’élever et de l’éduquer. Dans le cadre de mes recherches, je ne trouve pas beaucoup d’information sur  les écoles qu’il a fréquentées. Mais dans ces témoignages, il nous dit qu’il n’a pas terminé ses études classiques ni faire des études universitaires. 

De son jeune âge, il s’est lancé dans l’ébénisterie. Par la maitrise de l’art et de ses travaux bien fait, il est devenu une référence dans sa zone à la ville des Gonaïves. Dans cette ville-là, il a  fondé un atelier où il avait 13 collaborateurs. Malgré la fondation de cet atelier, sa situation économique était toujours précaire. Selon ses témoignages, parfois il n’avait pas toujours tenu ses promesses de donner les travaux à temps à certains clients. Souvent fois cela est due à des  problèmes économiques inattendues au niveau familiale où le seule moyen de résoudre ce problème est d’utilisé une partie de l’argent qui devait servir à acheter des matériels pour faire ces travaux. Ainsi, Telor a déclaré : « si yon kliyen pote yon ti kòb ba ou pou w fè yon travay li. Epi ou vin gen yon   timoun ki   malad bridsoukou, kisa w ka fè? Pa gen lot mwayen ke itilize kòb kliyan an. Konsa se lè w jwenn yon lot travay w ap ka koumanse pa l la. Lè konsa, lè kliyan vin chache travay li li paka jwenn li, se tout ou men m, tout karaktè w ki pase anba pye ». Alors, nous pouvons dire qu’en Haïti, cette réalité que l’évangéliste a révélée est la réalité de la grande majorité des professionnels de métiers manuels travaillant de manière indépendante. 

Joseph Jacques Telor a donné sa vie à Jésus en 1968 à l’âge de 17 ans. L’année suivante, en 1969, il est plongé dans les eaux du baptême. En devenant membre de l’église de Dieu de la rue Losamar à la ville des Gonaïves, on lui a nommé Moniteur de l’école du dimanche. Son véritable mission d’évangélisation va commencer lorsqu’il devient responsable d’une réunion de prière matinale dans cette église. Par son charisme et la puissance du Saint Esprit, Telor arrive à séduire des membres d’autres assemblées de la zone. Ainsi, d’autres églises commencent à participer dans cette réunion de prière. De là cette réunion commence à s’élargir. De ce fait, Telor commence à recevoir des invitations pour prêcher dans des églises de la ville, du département de puis du grand Nord. Ainsi, il devient un prédicateur régional.

Telor s’est marié avec Weslène Antoine le 31 janvier 1981 à la ville Gonaïves à l’âge de 30 ans. De cette union naquirent 6 enfants dont 3 filles et trois garçons. Après 11 ans de mariage, Telor a décidé de quitter la ville des Gonaïves. Ainsi, dans la nuit du 1e au 2 août  1992, il rentre à P- au- P pour y habiter avec sa famille. Arrivé à Port-au-Prince, il continue à prêcher dans différentes églises. Quelque temps après, il est devenu membre de l’église de Dieu de Delmas 17. Il était venu au bon moment. On avait beaucoup de considération pour lui à l’époque. C’est pourquoi on a fait de lui le responsable du jeûne du jeudi matin. C’est ainsi que d’autres leader religieux du secteur protestant l’ont connu et l’ont invité de prêcher. Ces invitations viennent de partout dans le pays. C’est ainsi qu’il est devenu prédicateur national.

Telor a fait son premier voyage à l’étranger le 27 avril 1997 (à Fort Pierce en Floride) pour prêcher la parole de Dieu. Depuis lors, c’est devenu une habitude. Telor a voyagé si souvent que l’ambassade américaine a « coupé » son visas dans le but de le questionner sur ces multiples voyages. Apres avoir rencontré l’un des consuls à ce sujet, on lui a donné un visas RELIGIEUX.

Du point de vue social, Telor apporte son soutien à tout le monde. Toutefois, son véritable public cible était les VIELLARDS. C’est pourquoi il avait un ministère qui s’occupait uniquement des vieillards. A travers ce ministère, il s’occupait d’eux en leurs donnant : nourriture, habits et soins médicaux. L’évangéliste Telor avait même l’objectif de construire un véritable asile à Gonaïves pour les vieillards. Toutefois, nous ne savons pas s’il a eu le temps de réaliser ce projet avant sa mort.

L’évangéliste Telor est mort le 19 avril 2010 à l’âge de 59 ans. Selon mes recherches, certaines personnes disent qu’il serait mort d’un cancer du cerveau. D’autres disent qu’il a été empoisonné par les leaders mafieux du cercle protestant vu son combat pour l’établissement d’une église qui devrait être une véritable institution communautaire et spirituelle. 

Toutefois, dans une interview réalisée avec sa famille, l’un de ses fils a avoué que l’évangéliste était à la fois diabétique et hypertendue. Souvent fois, il refuse  non seulement de consulter son médecin et de prendre ses médicaments mais aussi il mange tout ce qu’il trouve. A un certain moment, il avait une plaie sur son visage et lorsqu’il a consulté un médecin, celui-ci disait que : « se sik la ki koumanse atake sèvo l ». Et le médecin lui a demandé de prendre son retraite du micro. Ce que l’évangéliste ne voulait pas.

Ainsi continue-t-il de prêcher la parole de Dieu. Quelque temps plus tard, il devait participer à un programme pour partager la bonne nouvelle (prédication, conférence, causerie) pendant 18 semaines entre le Cap-Haitien et des îles Caïcos. De fait, il a passé quelques temps au Cap Haïtien puis part pour les îles Caïcos sans avoir visiter sa famille à Delmas. Et c’est à Providenciales que tout a basculé. Dans la même interview, l’un de ses garçons a déclaré que : c’est un inconnu qui a appelé pour leur dire que l’évangéliste était malade, qu’il aurait fait un stroke et qu’on devait lui amener en Haïti le plus rapidement possible afin de le soigner. Arriver en Haïti, il a parcouru plusieurs centre hospitalier. Et, il est mort après avoir supporté sa maladie avec courage. Toutefois, selon sa fille Ludy : « la mort de son père était la fin de sa mission ». Elle a déclarée : « qu’en 2009 son oncle maternel a révélé à son père que sa mission a pris fin sur la terre ». Puis, effectivement son père est mort quelques temps après. Maintenant, voyons quelques sujets abordées par l’évangéliste pour mener à bien son combat contre les mafias de l’église.

Etre chrétien, un acte d’engagement

L’engagement peut être vu comme une manière de se donner à quelqu’un ou à une cause. Selon cette définition nous pouvons nous demander, combien de chrétiens(nes) qui s’adonnent réellement à Jésus ou à la cause de l’évangile ? C’est en ce sens que  l’évangéliste distingue deux types de chrétiens : celui qui suit Jésus à condition qu’il satisfaire ses besoins ou ses désirs. Ainsi, celui-ci vient à l’église pour rechercher uniquement la délivrance face aux problèmes qu’elles confrontent ou ses désirs à satisfaire. Souvent fois, selon Mathieu 15 :30-39, Jésus leurs donnent satisfaction puis les renvoient. Le deuxième type de chrétien, c’est celui qui suit Jésus avec un engagement inconditionnel parce qu’il est attaché à la vérité que Jésus incarne. Le meilleur exemple d’un chrétien engagé était l’apôtre Paul. Non seulement il était engagé personnellement à Jésus mais aussi dans mission qui lui a été  confié. C’est en sens que l’évangéliste nous interpelle à être comme l’apôtre Paul qui est un modèle dans son engagement pour l’œuvre de Dieu.

Le pasteur appelé et le pasteur professionnel

Selon l’évangéliste Telor, il y a 2 types de pasteur : le pasteur appelé et le pasteur professionnel.

Le pasteur appelé est celui qui reçoit l’appel de Dieu et qui consacre toute sa vie à servir Dieu de manière inconditionnelle. Le pasteur appelé peut faire des études supérieures pour améliorer sa connaissance de la parole de Dieu mais ce n’est l’étude supérieure qui le rapproche de Dieu. Sa prédication vise beaucoup plus au réveil, à la guérison et au salut des âmes.

Le pasteur professionnel pour sa part, est un intellectuel qui a fait des études supérieures en théologie. Cela peut arriver qu’il soit aussi un appelé mais dans la grande majorité des cas, cette étude se fait pur et simplement par intérêt personnel. Ces pasteurs conditionnent (exigences économiques) souvent leurs prédications lorsqu’on les invite à prêcher dans une église. C’est pourquoi la vision de la grande majorité de ces pasteurs est de construire leur propre église dans le but d’exploiter les fidèles. 

L’évangéliste avait été lui-même victime de l’exploitation de certains leaders religieux. Selon l’un de ses fils, Telor se plaigne souvent que certains pasteurs qui l’ont inventé à prêcher la bonne nouvelle dans des programmes annuels de leurs églises, l’ont fait pour trois choses : le marketing, la visibilité et les offrandes. Le réveil spirituel des croyants ne les intéressent pas forcement. C’est pourquoi à un moment donné, l’évangéliste Telor déclinait les invitations de ces leaders qui ne visaient qu’à l’exploiter.

L’autocratie, la dynastie et la corruption

Le vrai combat de l’évangéliste durant les derniers jours de sa vie était contre l’autocratie, la dynastie et la corruption à l’intérieur de l’église. L’évangéliste n’était ni un fin théologien ni un fin intellectuel mais par la grâce de Dieu il a eu le courage et la conviction pour dénoncer les mafias prenant l’église en otage. Ces mafias contrôlent seul, et de manière absolue, l’église et c’est leur nom qui est inscrit sur l’acte de propriété. Une chose qui ne devrait être pas accepté par le ministère des affaires étrangère et des cultes puisque l’église un est une institution communautaire. En plus de cela, ces mafias veulent que l’église, étant qu’institution communautaire, devienne un héritage familial qui devrait être géré par des héritiers après la mort du pasteur titulaire/fondateur. Le pire, ces mafias prennent les ressources de l’église pour mener une vie de luxe avec leur famille tandis que certains(es) fidèles qui contribuent pataugent dans la misère la plus abjecte. De plus la grande majorité des aides financières reçues de l’étranger sont volées et le petit pourcentage restant est distribué sur la base du clientélisme. Cependant, l’église doit être une institution communautaire et spirituelle où chacun doit être traité de manière équitable dans la redistribution des richesses. Cela est clair dans  l’Actes des Apôtres 2 :44 : « tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun ». 

Ce noble combat mené par l’évangéliste Telor, suivant ces témoignages, lui a value beaucoup de menaces. Ces menaces viennent de partout. Il était devenu l’ennemi à abattre. C’est pour cela que certains pasteurs lui refusent le micro pour prêcher la bonne nouvelle, d’autres voulaient l’abattre physiquement, d’autres encore ont pu faire des manœuvres pour l’empêcher de voyager. Ainsi, pouvons-nous dire que le combat contre l’évangéliste Telor était un combat des mafias contre la vérité.

Vers une église communautaire et spirituelle

Le noble combat de l’évangéliste Telor était pour l’établissement d’une église communautaire et spirituel dont la prédication vise le réveil, la guérison et le salut de nos âmes. Une église qui se soucie non seulement de nos âmes mais aussi de la vie sociale de tout un chacun. C’est pourquoi il voulait que la richesse de l’église puisse servir les membres de l’église équitablement. Il voulait aussi que ce soient les membres de l’église selon leur capacité  qui doit diriger et cela doit être fait de manière démocratique.

La seule erreur que l’évangéliste ait pu commettre c’est de séparer le chrétien de la politique. Pour lui, l’homme qui fait de la politique est par nature : trompeur, orgueilleux et criminel tandis le chrétien de par nature est un SAINT. C’est pourquoi il invite le chrétien à s’abstenir de la politique. 

Alors, nous pouvons dire que l’évangéliste ignore trois choses : 1) Notre bien-être ou nos malheurs sur cette terre dépendent de notre implication ou de notre indifférence dans les affaires publiques en tant que citoyen. 2)  Toute démarche de conscientisation sur des phénomènes (ex : la corruption, dynastie, autocratie) est un acte politique. 3) La dénonciation de la corruption dépasse les quatre murs de l’église pour y devenir un leitmotiv du débat public. 

Ainsi, depuis les années 80, face aux recrudescences des scandales de corruption et des affaires politico-financières, la dénonciation des manquements à la morale civique, des pratiques de favoritisme et du conflit d’intérêts, la lutte contre la corruption est devenue une question centrale dans notre démocratie.


Tout compte fait, dans son noble combat contre l’autocratie, la dynastie et la corruption, Telor a voulu que l’église soit une institution communautaire et spirituelle ou chacun aura accès équitablement aux ressources de l’église  comme il est écrit dans l’actes 2 :44 :«  tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun ». Pour ce combat, il a reçue beaucoup de menace. Et, il était devenu l’ennemi numéro I à abattre.

Cependant, l’évangéliste était mort le 19 avril 2010 sans avoir achevé son combat. Il était mort a un moment où le pays était en lambeau.- soit quelque mois après le terrible tremblement de terre ayant causé la mort de 300 000 personnes. Sa  mort arrivait à un moment ou certaines églises et organisations religieuses ont reçue de fortes sommes d’argent pour aider les personnes victimes. Or, nous savons tous que ces aides n’ont pas vraiment aidée les victimes. De plus, les pratiques mafieuses de vol et d’exploitations qui étaient cachées jusque-là ont été mises à nue à travers les réseaux sociaux. Cependant, celles-ci sont devenues beaucoup graves qu’auparavant. Si certains leaders religieux encouragent la prostitution, d’autres volent de l’argent dans des pratiques non biblique, d’autres sont accusés d’escroquerie et d’autres encore sont accusés de viols sur mineurs. Ainsi, avons-nous besoin d’un autre Telor pour continuer le combat non seulement dans le secteur religieux (secte protestant) mais aussi dans tous les autres secteurs de la vie nationale pour l’avènement d’une société plus juste.


Alphajun, le 16 février 2021.


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