L'État, le capital et travail dans la formation sociale haïtienne

l’Etat, le capital et le travail dans la formation sociale haïtienne   


De l’indépendance du pays en 1804 à l’occupation américaine, l’économie haïtienne est essentiellement agricole et orientée vers la production des denrées d’exportation . Cette production agricole, orientée vers des denrées d’exportation pour le marché capitaliste dans le cadre de la division internationale du travail, s’effectue à travers des rapports sociaux de production marqués par le métayage, le fermage et les petites exploitations paysannes. Et  tout le processus de production dépend des paysans puisque l’Etat et les classes dominantes n’y ont pas investi. Or ils s’y dépendaient tous pour se reproduire et d’assurer leur suprématie.

Et lorsqu’en 1825, sur les ordres de Charles X, l’Etat haïtien en la personne de Jean Pierre Boyer accepte de payer une dette odieuse, de 150 000 000 de franc or, c’est la paysannerie cruellement exploitée, à travers les rapports de production de type féodale, qui va payer l’intégralité de la somme a versée puisque :

« De 1804 à 1920  les caisses de l’Etat grandonarcho-bourgeois haïtiens se sont remplies exclusivement de la sueur et du sang des paysans-cultivateurs. Il a fallu la première occupation étasunienne de 1915 pour initier les grandons bourgeois au pénibles exercice de contribuer aux caisses de leur Etat » . 

C’est pourquoi en 1826, un ensemble de mesures sous la dénomination de « code rurale » a été prise en vue de forcer les paysans à rester sur les habitations et de produire le café, qui était la denrée la plus demandée à l’époque au marché capitaliste mondial. De cette denrée, à l’exportation, l’Etat prendra 1 cinquième pour rembourser la dette.

Cette décision de verser des capitaux frais à la France a été prise par le gouvernement haïtien à un moment où le capital vit sa première grande crise. Jnil Louis-Juste nous explique :

«  …kapital ap viv premye gwo kriz li : demann pou konsonmen te depase machandiz sistèm factori a te kapab pwodui. Alòs, Lafrans te bezwen lajan tou fre poul achte machin endistriyèl k’ap pèmèt li ogmante kapasite pwodiksyonl. Yon bò, kapitalis franse jwenn yon sous finansman gratis pou endistri yo ; yon lòt bò, grandonboujwa ayisyen yo gen trankilite nan jwi byen yo pran pou granmesi »  

Pendant 50 ans, c’est trois fois que l’Etat haïtien a dû recourir au prêt pour  rembourser cette dette : 30, 000, 000.00 en 1825, 15, 000, 000.00 en 1874 et 50, 000, 000.00 en 1875. Ces données nous montrent que la chirurgie économique de notre pays ne date pas des périodes d’ajustement structurel.

A partir de 1860, le capital étranger, jusque-là dominant dans le commerce d’import-export, va intégrer d’autres secteurs d’activité tels les banques, les chemins de fer, l’exploitation des forets. Ces exploitations, pour satisfaire la demande sur le marché capitaliste mondial, ont été faites sans aucun politique de reboisement. Par conséquent, celles-ci sont à l’ origine des graves problèmes environnementaux que connait le pays actuellement.    

Pendant l’occupation américaine, l’Etat haïtien lié aux classes dominantes locales et internationales décident d’exproprier les paysans qui, depuis l’indépendance, sans les droits les plus élémentaires, assurent par leur production agricole le fonctionnement de l’Etat, la reproduction et l’enrichissement des classes dominantes locales et internationales. Ces expropriations ont été faites, par de vastes répressions, afin de pouvoir concéder au capital Nord-Américain des milliers de carreaux de terres pour établir leurs entreprises agricoles ou agroindustrielles. Certains paysans expropriés deviennent des ouvriers dans les enclaves du capital Nord-Américain, d’autres s’enfuient, par le biais des trafics clandestins organisées par l’occupant, l’Etat et les classes dominantes, vers Cuba ou la République Dominicaine, et d’autres encore viennent dans les grandes villes du pays comme chômeurs, constituant ainsi une armée de réserve à exploiter par le capital. 

A partir des années 1970, période du début de la crise pétrolière,  la sous-traitance devient la nouvelle stratégie du capital pour maximiser son profit puisqu’Haïti dispose d’une surabondance de main-d’œuvre à bon marché. C’est ainsi que Ronald Reagan, à travers le projet Caribéen Bassin Initiative, voulait faire d’Haïti le Taiwan de la Caraïbe. Pour ce faire, des stratégies ont été adoptées par l’Etat et la communauté internationale : d’abord la décapitalisation des paysans par le massacre des cochons créoles. Ensuite, l’expropriation en douceur en vue de produire des denrées d’exportation pour les pays capitalistes. Puis, la libéralisation totale de l’économie par l’application des politiques d’ajustement structurel. Ces stratégies ont pour objectif : la généralisation massive de la pauvreté en vue de rendre disponible une main-d’œuvre abondante qui sera exploitée par le capital pour un salaire de famine. Ainsi en 1991, avant le coup d’Etat, il y avait 45 000 ouvriers travaillant dans des conditions infra humaines pour un salaire minimum 1,40 par jour........


Dorval Junior ( un extrait de mes travaux de recherche sur les mouvements populaires en Haïti)


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